Cette année, la CARA organisait la toute première édition du « Cordouan Challenge ». Une épreuve un peu plus exigeante que la célèbre « Remontée de la Seudre » qui est un succès depuis plusieurs décennies maintenant.

Le phare de Cordouan rayonne sur l’Estuaire de la Gironde depuis 400 ans. Il est une destination kayak que j’ai déjà pratiqué à plusieurs reprises avec mon Disco, les années passées. L’idée de participer à cette épreuve était une évidence dès lors que j’ai eu connaissance du projet.

Samedi matin, c’est sous un soleil royal que j’arrive au parking réservé pour les concurrents de l’épreuve, entre le port de Royan et la plage de Foncillon. Cette plage est facilement identifiable avec sa grande roue.

A 11h00, c’est le début de la validation des inscriptions. Je reçois le tee-shirt de l’épreuve (Orange, la meilleure couleur pour être bien vu en mer), le dossard à porter pendant l’épreuve et le panier repas fournis par l’organisation. Je retourne au parking pour chercher mon kayak et mon matériel. Puis, je regagne la plage qui sera le lieu du départ.

Ce moment d’avant-course est l’occasion d’admirer les bateaux des participants. On retrouve les machines les plus efficaces pour aller vite en mer, à savoir les surfskis et des pirogues.

En revanche, pas de kayak de mer simple, orienté randonnée (il y en a juste un en double)… et encore moins de kayak dit « Sit On Top » comme le mien. Je n’ai pas de concurrence dans ma « catégorie » et je sais à l’avance que je fermerai logiquement la marche de l’épreuve, loin derrière tout le monde. J’aurais préféré avoir quelques compagnons de route mais ce sera sûrement pour la prochaine édition.

L’histoire de cet évènement retiendra que j’aurais été le premier à tenter l’aventure d’un « Cordouan Challenge » en kayak de mer simple, au sens classique du terme.

Avant la course : Le repas et Le briefing

Le moment de l’avant-course est avant tout un moment de convivialité, qui permet de discuter avec tout le monde. Le panier repas est spécialement étudié pour notre programme sportif. Il comprend, un petit Cake au fromage en entrée, un plat de pâtes/Jambon/Fromage, un pot de céréales fruits secs, une orange et de l’eau fraîche. L’ensemble était de bonne qualité. C’est bien pratique de bénéficier de cette logistique là.

Mais très vite, l’heure du briefing approche alors que chacun commence à se mettre en tenue, voire même pour certains, commencer un échauffement sur le plan d’eau. Lors du briefing, quelques rappels sont fait sur le parcours, le dispositif de sécurité, la VHF sur le canal 77 pour suivre les consignes de la direction de course (pas obligatoire mais appréciable pour savoir ce qui se dit de la course)…

Et puis une consigne importante que je n’avais pas lu dans le règlement de la course et qui me concerne en premier lieu du fait que mon Kayak n’est pas un kayak orienté « course »… C’est que le temps maximum autorisé pour faire le parcours est de 03h00. Au delà, les bateaux suiveurs viennent vous remorquer et mettent fin à votre aventure. A la fin du briefing, nouvel émargement obligatoire pour indiquer que nous sommes officiellement au départ de la course.

Mon vrai défi : Les 3h00

Je connais maintenant mes adversaires : Moi même et ce chrono de 03h00 que je ne dois pas dépasser si je veux réussir mon Challenge. Ce sera donc l’objectif du jour et pas gagné d’avance avec mon modeste Disco+.

Si mon kayak n’est pas rapide, en revanche, je connais bien ce parcours pour l’avoir parcouru de nombreuses fois… Toutefois, je n’ai jamais parcouru l’aller/retour d’une seule traite… et surtout, j’ai toujours utilisé le sens du courant à mon avantage, que ce soit pour faire l’aller, ou que ce soit pour faire le retour.

Ici, avec l’heure du départ prévue (14h00, horaire rigoureusement respecté par la direction de course), je sais que le trajet aller sera le plus compliqué puisque je dois terminer ce trajet là alors que le courant contraire se met en place. En effet, la marée basse étant à 13h00, l’inversion du courant a lieu vers 14h30 environs soit peu de temps après le départ. Le courant de l’Estuaire de la Gironde à de quoi vous ralentir sérieusement quand vous ne le prenez pas dans le sens du poil, croyez en mon expérience.

Donc, j’ai bien un joli défi à relever cet après midi. Si je suis bien certain de faire la distance, je suis beaucoup moins serein sur cette limite des 3 heures au moment du départ.



Le départ

Le départ s’effectue sur l’eau, depuis une ligne de départ fictive matérialisée à une extrémité par une bouée, et de l’autre par l’un des bateaux de la direction de course. Ce départ sur l’eau, cela m’arrange parce que je n’aime pas trop porter à l’épaule mon Disco, qui, une fois armé, doit être proche des 28 Kilos. C’est la raison pour laquelle j’aime bien mon petit chariot que j’emporte toujours avec moi dans le compartiment arrière de mon Disco.

Après dix minutes d’échauffements, le signal de départ est donné. Je ne me fais pas d’illusions sur les vitesses des bateaux concurrents, mais je tente tout de même de faire un départ rapide. Mon Disco impose des limites physiques de vitesses qui font que sans l’aide du courant ou du vent, il est très difficile de maintenir ou d’aller au delà de 10 Km/h. Mes « adversaires » du jour vont bien au-delà de cette vitesse .

Le trajet vers Cordouan

Les conditions de mer sont incroyablement calme sur l’Estuaire. C’est très rare d’avoir aussi peu de vagues et pratiquement aucune houle. Dit comme cela, on pourrait penser que nous avons donc des conditions plutôt facile. Pas si sûr…


Comme je l’ai déjà dit, le courant n’est pas favorable sur ce trajet. Il sera même défavorable, pour moi, avant l’arrivée à Cordouan. Le vent vient de terre (ce qui est rare ici) et est donc dans le dos pour aller vers Cordouan… Cependant, il est tellement faible que son action ne se limite qu’à annuler le mouvement d’air lié à mon déplacement. Voilà bien la principale difficulté de ce trajet là : la chaleur accablante associée à un manque total d’air. Aller vite dans ces conditions représente bien un « Challenge » en soit.


J’ai fait le premier quart d’heure aussi vite que je pouvais… Mais je reste bien loin, en vitesse pure, de n’importe lequel de mes concurrents du jour. Une fois ces derniers tous partis et bien loin devant, cela n’avait plus trop de sens de maintenir ce rythme là pour moi. Si j’avais eu un concurrent à ma vitesse, j’aurais pu tenter le jeu un peu plus longtemps. Mais compte tenu du reste à faire et des conditions de course, mieux valait revenir à un rythme de croisière plus sûr et gérer correctement son cap et l’hydratation. J’avais emmené avec moi, dans mon gilet, un peu plus de 1,5L d’eau . C’est pratiquement ce que j’utilise pour une randonnée à la journée. J’avais aussi des bouteilles supplémentaires dans la trappe central de mon disco, au cas où. Je m’attache à naviguer franchement « Ouest ». Je sais qu’a la fin du trajet vers Cordouan, le courant aura tendance à m’aspirer naturellement vers l’entrée de l’embouchure de l’Estuaire… Il valait bien prendre un peu d’avance sur ma future dérive de trajectoire, tant que le courant n’est pas encore vraiment installé. Les kayaks du groupe de tête vont tellement plus vite que moi qu’ils n’ont pas vraiment cette problématique là à gérer.


En plein milieu de l’Estuaire… je suis parfaitement isolé du reste de la course. Le Kayak de mer double est le bateau que je garde en visuelle le plus longtemps, mais il finit par disparaître au loin également, lui aussi. Je navigue donc à ma convenance. Mais je ne suis pas seul pour autant. L’organisation de la course a dépêché un Jet-ski pour me suivre. D’autres bateaux de la course viendront prendre son relai et me voir régulièrement pour s’assurer que tout va bien de mon coté. Pendant longtemps, j’aurais même droit à l’escorte personnelle de la Vedette de la SNSM, SN162, « Sieur de Mons », que je croise assez souvent, à longueur d’été au large de Royan. J’avais, en particulier, assisté l’an dernier, depuis mon kayak, à la fête de la SNSM et l’exercice d’Hélitreuillage. Un grand souvenir. J’ai également assisté à une véritable intervention de cette même Vedette à Cordouan, il y a 2 ans, pour une mission de récupération d’un voilier abandonné par son équipage lorsque leur embarcation se retrouva mouillée au beau milieu des déferlantes de Cordouan.


Pour m’occuper l’esprit, j’ai deux autres atouts avec moi :


- Tout d’abord mon GPS au poignet, qui me permet de me situer dans l’avancement de ma course… et estimer à peu prêt où j’en suis par rapport à la limite des 03h00. Je sais que le trajet retour devrait être plus rapide, mais je vise quand même de passer la bouée marquant la mi-course avant 01h30 pour me rassurer et aussi, rassurer la direction de course sur mes intentions de rejoindre Royan par mes propres moyens.


- Ensuite, j’ai aussi ma VHF qui me permet d’avoir pas mal d’infos sur le déroulement de la course. Savoir où en sont les premiers, savoir quand partent les paddle de Cordouan, savoir qu’on parle de moi et que je suis bien sous surveillance de tout le dispositif de sécurité etc.…


A ce stade de la course, le plus important reste de boire régulièrement. Il n’y a pas suffisamment de vagues pour se faire arroser naturellement. Je prends le temps de m’arroser à la main de temps à autre pour bien se rafraîchir (un luxe appréciable que permet le kayak de type « Sit On Top »).


Je vois, au loin, les Kitesurf qui évoluent toujours du coté du plateau de Cordouan. Le manque de vent les empêchent de tenter la traversée. A Cordouan, il y a toujours un petit peu d’air. Cela leur permet d’évoluer tout de même autour de Cordouan.


Le courant s’installe maintenant et ma vitesse de progression diminue en proportion. Mais le phare de Cordouan est tout de même toujours plus grand, toujours plus beau… et forcément, il attire. J’aperçois enfin la bouée proche du banc de sable et je constate que mon approche est très bien. Je n’aurais pas de distances supplémentaires à gérer sur une erreur de cap, et surtout, je n’aurais pas de courant à remonter sur cette fin de trajet aller, ce que je souhaitais avant tout éviter.


Cordouan, le tournant de la course

J’atteins la bouée et j’effectue mon virage à petite vitesse au bout d’1h20 de course. Question temps, je suis donc bien. Dès le 180 ° effectué, je ressens la petite brise venant de Terre sur mon visage. Ce vent est bien trop faible pour gêner mon avancement sur le retour… et il est très très très agréable. Enfin, un peu d’air ! Cela fait vraiment du bien de pouvoir respirer.


A cet instant, je sais que mon « Cordouan Challenge » est gagné. Je suis donc bien plus serein pour effectuer ce retour, que je connais très bien. C’est vrai qu’étant un local de l’étape, j’ai l’habitude de me repérer sur la côte de beauté. Je sais quel cap suivre, et je retrouve mes conditions de courants habituelles… C’est à dire, un courant qui aide et qui pousse, cette fois-ci.


Donc, là, je revis… Immédiatement, mon Disco reprend de la vitesse. Je n’ai plus qu’à apprécier ce retour triomphal vers Royan.


J’aperçois au loin les paddles qui ont quitté Cordouan depuis 20 minutes. Ils ont une vitesse proche de la mienne. il ne s’échappent pas comme les Surfski et les pirogues un peu plus tôt.


Sur ce trajet retour, comme lors du trajet aller, je ne rencontre aucun cargo sur l’Estuaire ce qui est assez rare. La seule difficulté de trafic réside à traverser la trajectoire des 2 bacs qui relient Royan au Verdon. Le groupe de paddle qui est devant moi n’a pas eu de chances. Ils ont été arrêté à Foncillon alors que l’un des 2 bacs s’apprêtait à sortir du port de Royan. Du coup, j’ai pu combler une bonne partie de mon retard sur eux. Pour ma part, j’ai la possibilité de passer directement derrière le bac, sans temps d’attente. Apparemment, le passage du BAC a provoqué dans ce groupe de paddle un sprint final qui a du être assez spectaculaire à suivre depuis la plage de Royan.


Au large de la plage de Foncillon, puis un peu après la digue du port, je croise la plupart des concurrents kayaks qui font le convoyage « hors course » de leur bateau, de la plage de Royan vers la plage de Foncillon (la plage de départ). Ils me saluent tous avec le sourire. Voilà une belle façon de terminer la course atypique de mon Disco.

Mon arrivée sur la plage de Royan (La Grande Conche)

Je passe la digue du port de Royan et mon arrivée est annoncée à la VHF à destination des commissaires de courses présents à l’arrivée. Dès lors que l’on passe la digue du port, l’action du courant se coupe instantanément. Il y a donc plus d’aide de ce coté là et il faut fournir un dernier effort pour atteindre la ligne d’arrivée. Mais la récompense est tout de même au bout… Je termine bel et bien mon premier « Cordouan Challenge » avec, sans aucun doute, l’un des bateaux les plus improbables pour réaliser ce genre d’épreuve.


Cependant, je viens tout de même de prouver que c’était possible de le faire en Disco, et il y a maintenant un temps de référence avec ce bateau sur cet épreuve.


Pour valider le chrono et la course, il faut passer par la tente d’accueil et émarger pour la troisième et dernière fois la feuille de course. Ma signature permet de clore la mission « Sécu » de la course qui a été parfaitement à la hauteur de l’évènement. Je rends mon dossard N°3. Mon temps de course final validé est de 2h27 soit environs 8,1 Km/h sur 20 Km. C’est près de 20 minutes de plus que les concurrents en kayak de mer double… Mais quand même, je suis content.

Un verre de Jus d’Orange frais m’attend également à l’ombre de la tente. Si vous voulez apprécier vraiment un verre de jus d’orange frais dans votre vie, je vous conseille de faire un « Cordouan Challenge » avant de le boire… Vous verrez, cela ne fait pas pareil que d’habitude :-) Pendant la course, j’ai bel et bien consommé la totalité des 1,5L que j’avais emporté dans mon gilet.

Derniers moments avant le podium

L’arrivée de la course se situe sur la plage de Royan. Comme tous les autres concurrents kayaks, j’ai moi aussi, besoin de convoyer mon kayak sur la plage de foncillon. Une formalité. Une fois arrivé à Foncillon, je profite des eaux chaudes de cette conche pour une petite baignade relaxante d’un quart d’heure, avant de ranger tout le matériel et rejoindre le podium.

Je longe le port à pied. Je croise quelques concurrents prenant du bon temps sur les terrasses du port en attendant le podium. Sous la tente, je retrouve un attroupement devant une télé de grande taille… Mais que se passe t’il ? Il s’agit des derniers matchs de foot du jour de la coupe du monde (l’équipe de France jouant cet après midi là contre l’Argentine, avec un score final étonnant de 4 à 3).

On se raconte un peu nos courses, on écoute le récit des uns et des autres, on parle kayak, Club, sortie dans la région… On prend des nouvelles de la course des paddles etc. Bref, on passe un très bon moment.

Le podium

Enfin, le podium récompense les plus belles performances de cette course, dont le meilleur temps effectué en surfski en 1h32 seulement. Un moment plein de sourire et de convivialité.

Cette première édition du « Cordouan Challenge » est une réussite. L’organisation était parfaite. Il faut dire que la CARA a l’expérience de gérer de gros évènements comme la « Remontée de la Seudre ». Le club de Saujon, qui était à la manœuvre, est une référence en la matière également. Tout est en place pour que le « Cordouan Challenge » grandisse au fil des années pour devenir, lui aussi, un évènement incontournable pour tout kayakiste de la région et au-delà.

Je voudrais remercier spécialement tout ceux qui ont participé à ma sécurité alors que j’étais nettement détaché du peloton.

Mon souhait pour l’an prochain

Enfin, mon souhait pour l’an prochain : que les kayakistes typé randonnée viennent s’approprier cette fête, eux aussi… et ne pas laisser cet évènement qu’au seul participant en Surfski et pirogues.

Ce n’est pas ma participation qui était incongrue cette année… Mais c’est bien l’absence de kayak de mer de randonnée qui l’était. Pourtant… je sais que vous êtes nombreux à naviguer.

Vous me lisez ? Vous êtes en club ? Vous avez déjà fait cette distance en mer ? Alors venez participer au Cordouan Challenge 2019 pour profiter du Roi des phares dans des conditions de sécurités exceptionnelles. De plus, vous avez un temps de référence à battre maintenant et qui montre qu’un kayak de mer à toute sa place dans cette épreuve !

Alors, c’est promis… Le rendez-vous est pris pour l’année prochaine pour le Cordouan Challenge N°2.